Samedi dernier, mon
ami Tony m’a rendu
visite, à Bangkok, et
nous avons passé la soirée
en ville.
Il y avait énormément
d’animation, partout. Nous
avons finalement trouvé une
table dans un bar/restaurant
appelé le Seven Spoons.
Le Seven Spoons, situé
à l’écart, dans une toute
petite shophouse, propose
la meilleure cuisine méditerranéenne
de Bangkok, et ce
n’est pas un lieu connu des
touristes. Nous étions installés
dans un recoin, près
de la fenêtre donnant sur la
rue. Même après avoir attendu
une demi-heure, nous
avons dû partager notre
table avec d’autres personnes,
un jeune homme
et une jeune femme de 22
ans, qui s’étaient retrouvés
pour dîner ensemble. Le
jeune homme était chauve,
avec de grandes oreilles et
une légère barbe naissante.
La jeune femme était beaucoup
plus petite et portait
des lunettes rondes, sans
monture.
Une serviette enroulée
avait été placée entre eux
et nous, pour marquer une
séparation, mais je n’ai pu
m’empêcher d’observer
ce couple tout au long du
repas.
Ils étaient scotchés à leurs
smartphones. Même lorsque
les plats ont été servis,
l’homme m’a offert un
spectacle impressionnant
en essayant de manger des
tortellinis tout en tapotant
sur son téléphone. Après
avoir payé l’addition (directement
de leurs téléphones),
le couple s’est levé
puis est parti. Je ne crois
pas qu’ils aient échangé un
seul mot de tout le repas.
Mais qu’est-ce qu’ils ont
fait, tout ce temps ?», ai-je
dit, au moment de partir.
«Des achats» m’a répondu
Tony.
En Thaïlande, les ventes
en ligne vont flamber
Je constate énormément
ce genre d’activité, lorsque
je marche dans les rues de
Bangkok. Actuellement, en
Thaïlande, ces jeunes de
moins de 24 ans (ils sont
plus de 22 millions) sont
à l’origine d’une énorme
transformation : l’augmentation
du commerce en
ligne. De plus en plus de
consommateurs décident
d’acheter en ligne et les
commerces «en dur» (ceux
qui vendent dans des lieux
physiques) en souffrent.
Cette transition s’est déjà
produite au Royaume-Uni,
aux Etats-Unis et en Chine.
Au Royaume-Uni et aux
Etats-Unis, le commerce en
ligne représente respectivement
8% et 12% du total
des ventes au détail. Tout
porte à croire que cette proportion
va augmenter avec
le temps. En Thaïlande, le
commerce en ligne repré-
sente actuellement 1,2%
mais il devrait se rattraper
au cours des prochaines
années. Cette croissance
viendra essentiellement des
zones rurales. La semaine
précédant mon dîner avec
Tony, je m’étais rendu dans
la petite ville de Pai, au
nord de la Thaïlande et, en
passant dans la rue principale,
j’ai vu beaucoup moins
de jeunes le téléphone
à la main. D’ici quelques
années, eux aussi utiliseront
leur smartphone pour
faire des achats en ligne.
Ce phénomène n’est pas
seulement une exclusivité
thaïlandaise. En Indonésie,
au Vietnam et aux Philippines,
le taux de pénétration
du smartphone devrait pratiquement
doubler au cours
des deux prochaines années.
Entretemps, le groupe
Euromonitor, qui réalise
des études de marché,
prévoit qu’entre 2014 et
2016, le taux de croissance
annuel moyen (TCAM) du
commerce en ligne sera de
26%, dans tout le Sud-est
asiatique. J’identifie trois
incidences majeures sur
les actions du secteur des
biens de consommation, en
Asie.
#1 La vente au détail en
boutique va se trouver en
difficulté
Il est difficile de voir comment
les sociétés qui
vendent dans des boutiques
«en dur» vont s’en sortir
sans y laisser des plumes.
Au fur et à mesure que les
ventes en ligne prendront
le pas, leur socle de points
de vente va s’éroder et
elles seront donc forcées
de réduire leurs dividendes
élevés.
#2 Les sociétés de services
e-logistiques seront les
grandes gagnantes
Tout ce qui s’achète en ligne
doit être emballé et livré
à bas prix, et rapidement.
Le coût de la logistique, en
Asie, est souvent deux fois
plus important que dans les
économies développées,
exerçant l’effet d’une taxe
sur le commerce.
Ce segment n’en est qu’à
ses balbutiements. Il y
a peu de temps encore,
beaucoup de sociétés d’elogistique
exerçaient des
activités à faibles perspectives
de croissance. Grâce à
des dirigeants visionnaires
et, parfois, à l’injection de
capitaux venant de socié-
tés d’e-commerce, elles se
transforment désormais en
stars de l’e-logistique.
Les autres grands gagnants
seront les sites agrégateurs/
comparateurs en ligne.
#3 Les actions du secteur
des biens de consommations
vont être réévaluées
L’évolution de la nature du
commerce de détail force
à repenser les caractéristiques
des actions du secteur
des biens de consommation.
De nombreux fonds ont
constitué leurs portefeuilles
en fonction d’une classification
par secteur très stricte.
La modification de la façon
dont ces secteurs sont per-
çus pourrait aboutir à une
réévaluation des actions.
Cela signifie donc que nous
aurons la possibilité de gagner
beaucoup d’argent si
nous dénichons les bonnes
actions.
Lars Henriksson,