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Les secrets de l’étrange campagne électorale congolaise L’Occident est-il raciste ?

A cinq jours de la tenue des élections présidentielle et législatives de la Rd Congo, les choses ne sont pas aussi simples et claires que les apparences semblent en donner l’impression. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Communauté internationale largement avertie par des institutions aussi sérieuses que International Crisis Group fait la sourde oreille. Comme si elle n’était intéressée que par le sang qui risque de couler et l’opportunité de reprendre pied avec ses gros sabots dans ce pays aux fabuleuses potentialités.

(Par Kenge Mukengeshayi)

S’il y a une leçon à tirer de la crise financière qui frappe à ce jour les grandes nations développées, c’est sans doute que le modèle libéral est arrivé au stade suprême de son évolution et a entrepris de régresser sous les coups de boutoir que lui assènent les bourses et les banques guidées par la loi du profit individuel et maximal, quel qu’en soit le coût.

A l’aube d’une nouvelle ère

Les indignés qui installent leurs pénates sur la grand place de Madrid, au cœur de Manhattan, de la Cité éternelle ou de Londres ne sont que la dimension épiphénoménale de la plus grave crise d’une civilisation obligée de sacrifier ses propres enfants dans l’espoir insensé de gagner du temps alors que la fatalité approche. Si bien que la véritable question, d’ordre moral, épistémologique et spirituel qui se pose aujourd’hui aux pays africains est celle évoquée par le Christ il y a plus de 2000 ans déjà : s’il est ainsi fait du bois vert, qu’en sera-t-il du bois sec si ce n’est d’être jeté dans le feu ?

En réalité, le malthusianisme, comme théorie, n’était que l’autre face du darwinisme : si la sélection naturelle permet aux plus aptes de survivre, c’est parce qu’elle autorise incidemment la disparition de ceux qui ne s’adaptent pas au système, ou qui doivent être exploités par ce dernier pour le besoin de sa propre survie. L’esclavagisme, la colonisation, la coopération nord-sud…n’ont été que les mutations historiques et morales du même système dans lequel le centre et la périphérie n’ont ni la même importance ni le même rôle à jouer. A l’heure actuelle, ils sont été remplacés par des concepts, plutôt des gadgets vides de sens comme la bonne gouvernance, que personne n’évoque lorsque les pays du sud ploient sous le poids des dictatures tant que celles-ci sont les pourvoyeuses des contrats les plus juteux pour des capitaines d’industrie et de la finance qui ont réussi à transformer leurs chefs d’Etat respectifs en représentants de commerce.

Concrètement, la lente et irréversible agonie du système libéral va l’obliger à faire payer à la périphérie la facture des solutions destinées à lui octroyer un sursis, l’égoïsme des banques et des spéculateurs condamnant les gouvernements occidentaux à choisir entre déclarer la banqueroute et se plier au diktat. Ces solutions, c’est notamment une plus grande libéralisation des marchés appelée mondialisation au profit d’un rapport qui condamne les pays en développement à offrir de nouveaux espaces d’expansion aux spéculateurs. Mais cela peut aussi être des guerres économiques pour l’accès aux ressources lancées sous la bannière de la lutte contre le terrorisme et pour la protection des populations civiles contre les violations supposées des droits de l’homme, qui ne datent pourtant pas d’aujourd’hui.

Quel que soit le gagnant de la présidentielle de ce 28 novembre, la seule conclusion qui s’impose à ce stade est que la Chine a déjà perdu le Congo dans sa guerre économique contre l’Occident. Les Congolais n’ont en effet pas oublié que l’annulation d’une lourde dette de plus de 12 milliards de dollars, dont le principal avait déjà été récupéré depuis longtemps par les créanciers, n’a été possible qu’à la condition de l’acceptation par le gouvernement d’opérer une courbe rentrante sur la question des contrats dits chinois. En revanche, la tentative de révision des contrats miniers signés avec certaines multinationales occidentales a valu à la RDC d’être recalé plusieurs fois dans le processus d’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE ainsi que des procès devant les instances internationales d’arbitrage.



Cynisme, hypocrisie, racisme…

Autant dire également, quel que soit le gagnant, demain, de la présidentielle congolaise, que celle-ci n’aura aucun impact sur la plate-forme idéologique sur laquelle l’Occident est d’accord dans son ensemble, à savoir mondialiser les échanges économiques et financiers et faire payer au sud la facture des ajustements structurels qui vont s’opérer au nord, faute de quoi on devrait s’attendre à une crise sociale gigantesque qui risque de plonger les économies occidentales dans une longue régression. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que, sur cet échiquier qui est entrain de se reconstruire, la RDC joue un autre rôle que celui qui lui sera dicté par le centre, c’est-à-dire celui d’un marché ouvert à toutes les spéculations, la seule nuance pouvant se situer au niveau d’un leadership plus enclin à combattre l’impunité et à respecter les droits de l’homme.

Il découle de ce raisonnement que l’Occident est fondamentalement raciste dans la mesure où il ne conçoit sa propre survie, même s’il ne le confesse pas, qu’à la condition de la disparition de races moins aptes à s’adapter à la mondialisation, ou qu’il faut absolument écraser pour servir d’engrais à son système économique et financier.

Illustration de cette logique cruelle, les Congolais ont récemment observé une véritable levée de boucliers en occident à la suite des propos qualifiés d’incendiaires tenus par Etienne Tshisekedi sur la chaîne de télévision privée RLTV, émettant à Kinshasa. Si, globalement, on doit condamner toute déclaration susceptible de conduire à la violence, on peut en revanche se demander ce qu’ont fait ou font les mêmes capitales occidentales pour décourager en amont la violence et, surtout, promouvoir des élections réellement libres, démocratiques et transparentes autrement que par des incantations hypocrites.

Ainsi, on n’a toujours pas vu ou entendu quelle réaction concrète les capitales occidentales ont eue à la suite des violences militaires et policières qui se sont abattues sur les militants de l’opposition qui manifestaient chaque jeudi pour réclamer des élections réellement libres, comme s’il fallait entendre par là que le bon opposant est celui qui encaisse et se tait. Dans la mesure où cela ne se passe pas ainsi en occident et que ce dernier s’en accommode sous les tropiques congolais, que faut-il en penser d’autre si ce n’est qu’il s’agit de racisme ?

Dans le même ordre d’idées, à cinq jours des élections, les capitales occidentales qui considèrent que les Congolais ne méritent pas mieux que la démocratie de la médiocrité et de la confusion, continuent de fermer les yeux sur le fait que les militants de l’opposition sont toujours frustrés que le serveur central n’ait pas été audité ; que les listes électorales n’aient pas été affichées dans tous les bureaux de vote afin de permettre à chaque Congolais de voter dans la sérénité et en connaissance de cause ; que là où elles ont été affichées, principalement dans la capitale, il règne une terrible confusion, beaucoup d’électeurs ne retrouvant pas leurs noms alors que c’est dans cinq jours qu’ils vont devoir voter. Enfin, en dépit des témoignages concordants des candidats, des observateurs comme des correspondants de presse, que la cartographie des bureaux de vote est impossible à tracer, qu’il y a une légitime suspicion quant à l’existence des bureaux fictifs, et que cette situation est de nature à surabonder les frustrations déjà perceptibles, avec des risques évidents d’embrasement, les capitales occidentales continuent de garder le silence tandis que la CENI s’entête de plus belle, comme si les uns et les autres n’attendraient que les premières déclarations susceptibles de dénoncer cet état de choses pour tomber à bras raccourcis sur le plus faible et l’accuser de vouloir jeter de l’huile sur le feu.

Mais qu’avait donc dit International Crisis Group ? L’embarras criminel des capitales occidentales ne peut s’interpréter que d’une seule façon : les Congolais ne sont pas des Blancs pour mériter le luxe d’élections réellement libres, démocratiques et transparentes. Sinon, ils deviendraient les égaux des dieux et n’obéiraient point à l’Occident ! Mais c’est justement cela la définition du racisme.