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Kingakati Les démons ont changé de camp !

Il était de coutume dans ce pays que la division soit l’apanage de l’opposition
et l’unité le trait dominant de la majorité présidentielle. Phénomène plutôt courant en Afrique, les divisions récurrentes de l’opposition, souvent instrumentalisées
que réelles, éclatent généralement à l’occasion des consultations électorales. Même en temps normal, à la faveur de certains rendez-vous politiques déterminants, l’opposition s’est toujours présentée en ordre dispersé à la suite des querelles de leadership et des luttes de positionnement.
En RD Congo justement, on ne peut compter le nombre
de fois où des passes d’armes à fleurets plus ou moins mouchetés ont ruiné tout espoir d’une démarche unitaire entre, notamment, l’Udps et l’Uféri, l’Usor et ses alliés, et plus tard l’Usoral et l’UDI par exemple face aux Forces politiques
du Conclave. L’Udps elle-même, pourtant dite fille aînée de l’opposition, a connu plusieurs déchirements internes qui l’ont souvent empêchée de parler d’une seule voix lors de certaines
échéances politiques décisives. On peut citer les épisodes Dikonda wa Lumanyisha,
Faustin Birindwa, Marcel Lihau ou Frédéric Kibassa Maliba. Plus récemment,
ni l’Udps, ni le MLC, ni l’UNC et encore moins l’UFC ou bien d’autres partis politiques encore se réclamant de l’opposition n’ont fait preuve de maturité en privilégiant l’union lorsqu’il s’est agi d’affronter la Majorité Présidentielle lors des consultations électorales, des manifestations de rue ou des rencontres politiques.Quand les démons changent de camp C’est donc un scénario pour le moins inédit et une véritable surprise que de voir, sous nos yeux, la majorité présidentielle en train de voler en éclats à la suite de son incapacité à trouver une issue à son problème de survie après 2016. Incapable de lire dans la pensée de son chef, de savoir s’il va s’aligner ou non en 2016 - en dépit de l’interdit constitutionnel-, impuissante à lui proposer une alternative
crédible, la majorité se morfond, vit très mal son mal être et n’a plus comme unique porte de sortie que de se défouler collectivement.
C’est ce qui s’est passé le dimanche 22 mars 2015 à Kingakati, la désormais célèbre ferme présidentielle de la banlieue Est de la capitale rdcongolaise, où la MP s’était donné rendez-vous dans l’espoir, sans doute insensé au vu des résultats, de se réconcilier
autour de ses objectifs majeurs ainsi que de son avenir. Peine perdue, a-t-on appris. Les plus incisifs des commentateurs ont ironisé sur la bataille des chiffonniers qui a eu lieu, en l’absence de l’autorité morale qui avait eu la bonne idée d’introduire la réunion et de s’éclipser pour mieux savourer le vaudeville offert par ses troupes, ces enfants gâtés de la République, ces gestionnaires repus et gavés, se donnant tristement
en spectacle devant le pays médusé et sans voix. D’autres se sont gaussés que les lieutenants aient déjà sorti, avant l’heure, leurs longs couteaux alors que la chasse n’était pas encore lancée et la curée annoncée.
Autant dire que les démons de la division ne sont finalement
pas l’apanage de la seule opposition, quand l’incertitude, la crainte de l’avenir, la peur de perdre positions et privilèges jettent les unes contre les autres les haines et les ambitions. Le dimanche 22 mars, en effet, des noms d’oiseaux ont volé et des amabilités ont été échangées dans une atmosphère surchauffée.
Des manches de chemises
ont failli être retroussées
par des boxeurs d’un genre plutôt comique ayant soudainement retrouvé leurs anciens réflexes de mauvais garçons. On a enfin et surtout appris, belle cerise sur le gâteau de la détestation et de la démesure, qu’il y a au sein de la famille d’un côté des traîtres et, de l’autre, des fumeurs de chanvre !
Qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, il reste que cette ambiance, c’est celle qu’on retrouve dans toutes les familles, biologiques ou politiques. On s’y aime hypocritement comme on s’y déteste joyeusement, au gré des intérêts. Davantage dans cette République Démocratique du Congo où c’est le pouvoir et tous les privilèges qu’il procure qui sont en jeu avec, d’un côté, ceux qui souhaitent l’alternance et le disent désormais haut et fort, sans langue de bois, et de l’autre, ceux qui sont prêts à en découdre, quel qu’en soit le prix. Le problème, c’est que quand les démons sont en liberté et se laissent aller à de petits débordements, il y a quelque part deuil, pleurs et grincements de dents.
Et le dimanche 22 mars, il y a eu justement plus de chaleur que de lumière à Kingakati. Surtout quand l’autorité morale de la MP n’a pas jugé nécessaire de délivrer son propre message,
laissant ses troupes exercer leurs tristes talents dans une sorte de défouloir collectif, rouvrant les blessures, ravivant les haines et les antagonismes, creusant les fossés entre clans en compétition.
Un compromis n’a jamais été aussi désiré La démonstration a été ainsi faite – et c’est tout le drame de cette famille politique - qu’en l’absence de Joseph Kabila, dont la vocation n’est sans doute pas de procurer privilèges et avantages à une seule clique de Congolais – elle n’a jamais été qu’un immense foutoir, un pandémonium d’hypocrisie et de haine toujours prêt à se saborder à force de se détester.
Du coup, la vraie question au sortir de cet exercice surréaliste était de savoir si Joseph Kabila avait encore besoin d’une majorité aussi byzantine, si son intérêt n’est pas de se débarrasser
d’une organisation qu’il traîne désormais comme un boulet, et qui l’empêche de s’émanciper pour proposer aux Congolais une autre voie de sortie que la confrontation ? Autre question : la dynamique de la cohésion nationale ne gagnerait-elle pas, sous l’impulsion du chef de l’Etat, dans la suppression des clivages qui dressent les Congolais les uns contre les autres, dans le dépassement de l’esprit des concertations nationales pour se tourner vers le pays profond et interroger, sans tabou, les forces politiques et socialesqui comptent?
Bref, la solution ne résiderait- elle pas, en définitive, dans le dépassement et le dialogue et non dans le coup de force qui enfoncerait définitivement le pays dans le chaos. C’est ce que ne cessent de suggérer depuis quelque temps certains esprits lucides au sein de la majorité, au risque de se faire lyncher, estimant que les stigmates de la semaine du 19 au 21 sont encore là pour rappeler à chacun le devoir de vigilance et du courage politique. Seul le dialogue, avance un analyste,
«permettrait de revisiter consensuellement le calendrier électoral, de discuter, les yeux dans les yeux, des questions sécuritaires liées au statut des animateurs des institutions et de leurs dépendants, sans toucher à la constitution. Seul le dialogue permettrait à la majorité de se réconcilier autour d’un schéma d’alternance pour désigner dans la sérénité son candidat, avec l’onction de l’autorité morale. »Face à ce schéma, le 22 mars n’aura pas apporté la preuve que la majorité était plus soucieuse de l’intérêt du pays que de celui de certains de ses membres passés corps et biens au statut de boutefeux. Il aura malheureusement et surtout démontré que cette famille politique qui continue de s’interroger sans succès sur les véritables desseins de son autorité morale n’a en revanche aucune proposition
concrète à faire en dehors de ses querelles internes. Et que, somme toute, les dés demeurent encore et toujours dans les mains de Joseph Kabila seul. D’ici là, les démons qui n’ont eu aucun état d’âme à changer de camp continueront de s’amuser. Aux dépens de la RDC et de son peuple.
KGM